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Jamal

« Toc, toc, je peux entrer ? » S'arrêter un instant et faire le bilan pour aller de l'avant

Il y a deux ans, Jamal se confiait pour la première fois dans le cadre de MerhabaStories. Chez beaucoup, l'impression d'être abandonné.e par leurs parents résonnait comme un cri. Aujourd'hui, il se pose et se réconcilie avec son passé. Ce témoignage édifiant est celui d'une personne qui a trouvé, en son for intérieur, la force d'être en paix avec soi-même, hier et aujourd'hui. 

"Beaucoup d'eau a coulé sous les ponts depuis mon premier message envoyé à la face du monde via Merhaba. 

Depuis que j'ai été contraint de quitter la maison de mes parents, ça a été le grand huit des émotions. J'ai été forcé de voler d'un nid à l'autre en pleine tempête. J'avais tout le temps l'impression de survivre. Ces temps difficiles ont rouvert d'anciennes blessures. J'ai des crises d'angoisse, des tendances dépressives et je fais des cauchemars. Ce changement soudain m'a privé de tous mes repères. Je suis dans une phase de transition, qui me semble semée d'embûches, du fait de cette absence de repères.

Néanmoins, j'y entrevois des perspectives et ces difficultés ouvrent les portes de ma créativité. En me repenchant sur mon passé, je me découvre une force insoupçonnée. En cherchant des moyens de reprendre pied, je renoue avec mon moi profond et mon héritage familial. Je constate la résilience de mon corps. J'admire la créativité et la rébellion de mon père, qui a su récupérer son passeport confisqué, et a ainsi pu quitter les mines. Je suis inspiré et motivé par le souvenir de mon grand-père, entrepreneur à Casablanca. Une douce chaleur m'envahit à l'évocation des vagues qui se brisent et avancent inexorablement, des souks animés de l'ancienne médina, du soleil de plomb, de la nature omniprésente, etc.  Chacune de ces sources d'énergie me protège. Ce sont mes couvertures intérieures bienfaisantes qui m'enveloppent chaudement et me conduisent en toute sécurité à une autre rive de ma vie. 

J'en ai déjà traversé des étapes, dans ma vie. À ces moments-là, je ne me sentais pas en sécurité, mais j'ai eu l'occasion de réfléchir, de jouer et de laisser libre cours à ma créativité onirique. Prenons le confinement. Pour moi, rien de neuf. En 2007, alors que je me battais contre la leucémie, j'ai dû m'isoler pour me protéger des agents infectieux. J'ai vécu dans l'attente. La seule différence avec l'époque, c'est que maintenant, c'est le monde entier qui a été mis à l'arrêt. "Le monde dans l'attente". Pendant ma chimio en 2007, des techniques issues des traditions asiatiques de lâcher-prise, de yoga et d'autres rituels m'ont aidé à accepter mon sort, sans préjugés et avec compassion. 

Comme à l'époque, ces derniers mois m'ont donné le temps et l'occasion de réfléchir, d'approfondir ma pratique du yoga et de faire intuitivement le point sur mes besoins. 

J'ai profité de cette paix et de ce calme pour faire une plongée en moi-même et trouver les réponses aux grandes questions sur le sens de la vie.

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L'an dernier, je faisais des cauchemars récurrents. Quelqu'un voulait pénétrer par effraction dans mon appartement et je flippais à mort. Avec l'aide de mon psychothérapeute, je me suis demandé qui voulait bien tenter d'entrer chez moi. J'ai pris conscience que quelqu'un voulait me parler par l'entremise de mon subconscient. Dans un de ces cauchemars, une connaissance entrait dans ma cuisine par ma terrasse. Ça me filait les jetons, mais pas autant que les autres rêves. Cette connaissance avait perdu sa mère trois ans auparavant.

Cette noirceur m'a aidé à faire toute la lumière. C'est moi qui voulais entrer chez moi. Mon moi profond. Ces rêves traduisaient mon désir de laisser mon passé s'exprimer : les lieux de mon enfance, la chaleur de mon premier nid, etc. Après six ans de silence radio, j'ai pris mon courage à deux mains et j'ai repris contact avec une autre source d'énergie plus puissante : ma mère.

31 mai, fête des Mères au Maroc..."Bonjour... Ah Jamel, labès ? Qidjer ?" On aurait dit qu'on s'était parlé la veille. C'était un plaisir de s'entendre à nouveau. J'avais depuis longtemps l'idée d'appeler ma mère. Dans l'agitation de mon quotidien, je n'avais pas trouvé le temps. Mais le coronavirus a mis un frein à cette course et j'ai eu l'occasion de me poser et de faire de la place à autre chose. D'une certaine manière, malgré le chaos planétaire et la douleur, je dis merci au coronavirus.